Administration des thérapies géniques par voie intravitréenne, sous-rétinienne et suprachoroïdienne : vecteurs courants, risques et bénéfices
Prof Thomas A. Ciulla — Amphithéâtre Bleu — Jeudi 4 septembre — Session “Updates on Suprachoroidal Interventions”
Écrit par Aliénor Vienne-Jumeau
Contexte
Il existe trois voies d’administration pour la thérapie génique oculaire.
- La voie sous-rétinienne, illustrée par le voretigene neparvovec (Luxturna), demeure la référence pour cibler les photorécepteurs et l’épithélium pigmentaire rétinien, mais elle nécessite une vitrectomie et la création d’une bulle dont la localisation est peu prévisible, avec un risque non négligeable de cataracte, de trou maculaire et de lésions RPE-choroïdiennes.
- La voie intravitréenne, plus simple et « office-based » (faisable en salle propre au cabinet), diffuse surtout dans la rétine interne, mais son efficacité de transduction reste modérée du fait de la barrière de la limitante interne et d’une neutralisation immunitaire possible.
- La voie suprachoroïdienne, également « office-based », offre une compartimentalisation postérieure et un ciblage naturel de la rétine externe et de la choroïde, avec une efficacité de transduction intermédiaire.
Technique : injection suprachoroïdienne
La technique suprachoroïdienne consiste en une injection pars plana à 3.5–4 mm du limbe à l’aide d’une micro-aiguille à longueur contrôlée (type SCS Microinjector), avec une pénétration perpendiculaire jusqu’à la sensation tactile d’un « mou » (the give, en anglais) de l’espace suprachoroïdien et une injection lente et régulière afin de déposer la solution entre sclère et choroïde sans vitrectomie.
Le devenir du produit injecté vers la macula est gouverné par un gradient physiologique de pressions où la PIO dépasse la pression du SCS antérieur, elle-même supérieure à celle du SCS postérieur, ce qui pousse le fluide à se propager circonférentiellement puis en arrière jusqu’au pôle postérieur. Nous avions déjà vu dans une étude sur les œdèmes maculaires diabétiques que celui-ci se concentrait à la fovéa car c’est la zone de moindre résistance de la rétine.
Mécanisme d’acheminement vers la rétine
L’objectif final est la rétine, et des travaux précliniques indiquent qu’après une injection supra-choroïdienne des vecteurs AAV, tels que l’AAV8 ou des variants AAV2 tyrosine-mutés, peuvent atteindre les photorécepteurs par transcytose à travers les cellules de l’EPR.
La dégradation protéasomale au sein de l’EPR freine ce passage alors que son inhibition augmente la transduction photoréceptrice. L’emploi de promoteurs spécifiques des photorécepteurs, comme GRK1, focalise l’expression dans la couche externe ; des mesures de GFP plus élevées en rétine qu’en EPR/choroïde à distance sont cohérentes avec un passage trans-EPR réussi.
Et donc au total…
Comparaison des différentes voies :
Aspect | Sous-rétinienne | Intravitréenne | Suprachoroïdienne |
Invasivité / lieu | Élevée ; bloc (chirurgie) | Faible ; cabinet | Faible ; cabinet |
Cellules / zone cible | Photorecepteurs, EPR ; localisée | Rétine interne ; diffuse | Rétine externe, choroïde ; diffuse |
Efficacité de transduction | Élevée (zone de bulle) | Modérée | Modérée (↑ avec capsides/stratégies pro-transcytose) |
Réponse immune | Réduite locale | Possible (humeur aqueuse/vitré) | Réduite (exposition antérieure moindre) |
Risque procédural | Élevé (vitrectomie, bulle) | Faible | Faible |
Exemples de vecteurs | AAV2 | AAV.7m8 | AAV8 |
La voie suprachoroïdienne, associée à des capsides optimisées et à des stratégies favorisant la transcytose, peut reproduire une partie des bénéfices de la voie sous-rétinienne tout en restant sensiblement moins invasive.