Recontre avec le Dr Elise Philippakis, spécialiste des maladies de la rétine
Le Dr Elise Philippakis exerce au Centre ophtalmologique de l’Odéon, est praticien hospitalier à l’Hôpital Lariboisière et référente filière rétine à l’Institut Français de Myopie. Elle nous parle de son parcours, de son mentor – Ramin Tadayoni -, de la mise en place de la consultation « Myopie Forte » à l’Hôpital Lariboisière et de ses voeux. Rencontre.
Pourquoi avoir choisi de devenir ophtalmologiste ? Est-ce une vocation, ou le fruit d’une rencontre ou un hasard ?
Elise Philippakis. Mon choix pour l’ophtalmologie est plus le fruit du hasard que d’une vocation. Toutes les spécialités de la médecine étaient intéressantes à mes yeux, mais l’aspect chirurgical ou interventionnel de certaines spécialités m’attirait particulièrement.
Je ne peux pas nier l’influence de ma situation familiale dans le choix de ma spécialité : mon père a été atteint d’un cancer du pancréas, diagnostiqué en début de 6e année et dont la maladie a duré 4 ans. J’ai donc pris le choix qui s’offrait à moi pour rester à Paris, soit la filière chirurgie. N’étant pas très bien classée, l’ophtalmologie ne me paraissait pas accessible. L’été qui a suivi le concours, j’ai fait un stage en ophtalmologie à Necker, et j’ai trouvé cela passionnant, surtout la chirurgie orbito-palpébrale. Aussi après 2 semestres d’orthopédie et un de chirurgie viscérale, j’ai pris une disponibilité pour raison familiales et une amie m’a conseillé l’ophtalmo : intéressant, innovant, pas beaucoup de gardes, médico-chirurgical et permettant un exercice libéral épanouissant. J’avoue que je voulais une spécialité fonctionnelle dans laquelle la cancérologie était peu présente. Je me suis bien trouvée en ophtalmologie.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre activité au quotidien ?
Elise Philippakis. Si je ne devais choisir qu’une chose, je dirais l’humain. Apporter son savoir et sa compétence au bénéfice du patient est une priorité, et j’aime la relation humaine globale entretenue avec les patients. Ensuite, ce que j’aime c’est de toujours apprendre, que ce soit en lisant, en écoutant les confrères, en faisant de la recherche, en opérant, en échangeant.
Quel événement vous a le plus marqué dans votre activité professionnelle ? Pourquoi ?
Elise Philippakis. Je dirais la première fois que j’ai vu la rétine lors d’une vitrectomie avec le Dr Nathalie Cassoux à la Pitié : je me suis dit que c’était beau et que j’avais envie de voir la rétine tous les jours.
Quel maître ou mentor vous a guidé ou inspiré ? Qu’aimeriez-vous lui dire ?
Elise Philippakis. J’ai appris de toutes les personnes qui ont bien voulu m’enseigner. Mais mon maître des 10 dernières années est incontestablement Ramin Tadayoni. Depuis les premiers blocs avec lui en tant qu’interne, j’avais fixé comme objectif d’opérer comme lui.
Il m’a très tôt fait confiance pour le clinicat puis pour rester praticien hospitalier et m’a conseillé de m’orienter vers la chirurgie et la myopie forte, choix que je n’ai pas regretté un seul jour. Il m’a toujours valorisé dans le travail effectué et avec les années, il est devenu en plus d’un mentor un ami, avec toujours un conseil avisé et sage dans les situations professionnelles et parfois personnelles. J’ai beaucoup appris, partagé et ri avec lui. Il me manque cruellement et je n’ai qu’un mot à lui dire : merci.
Innovant par nature, le domaine de l’ophtalmologie n’en finit pas d’évoluer. Quelle est l’innovation (ou la recherche en cours) qui attire le plus votre attention actuellement dans votre secteur ?
Elise Philippakis. Je suis particulièrement intéressée par le développement de l’imagerie rétinienne qui permet de mieux visualiser et comprendre les pathologies rétiniennes, et d’améliorer notre prise en charge. Ceci est particulièrement vrai pour les myopes forts, chez lesquels l’imagerie est parfois sous optimale. Je m’intéresse aussi de plus en plus à l’évaluation de la fonction visuelle. Enfin je surveille les nouvelles solutions technologiques qui pourraient aider les patients en situation de malvoyance.
Vous contribuez à cette tendance innovante puisque vous avez mis en place une consultation ‘Myopie Forte’ à l’Hôpital Lariboisière. Pourquoi ? A qui s’adresse cette consultation ? Quels enseignements après un peu plus de 2 ans de mise en place ? Quelles sont vos ambitions à moyen terme avec cette consultation ?
Elise Philippakis. J’ai développé et consolidé la consultation myopie forte depuis 2017 à Lariboisière, qui était assurée jusqu’à cette date par Vincent Gualino. Au début, cela me permettait d’avoir les protocoles d’imagerie adaptés aux myopes forts (OCT coupes fines et OCTA, imagerie ultra grand champ) et les mesures de longueur axiale faites systématiquement. Par la suite, j’ai standardisé la prise en charge des patients, avec notamment la réalisation de champ visuel, observant la place considérable de la neuropathie optique glaucomateuse ou non glaucomateuse chez le myope fort, et leur demande croissante de prise en charge globale. De cette consultation, nous avons pu constituer une cohorte de patients atteints de myopie pathologique, qui a permis la publication de plusieurs travaux de recherche, sur la macula bombée et sur le schisis maculaire myopique et l’adaptation de nos pratiques.
En 2020, Ramin m’a parlé de son projet d’un Institut pour la myopie qui était pour moi la suite logique de cette consultation. Nous en avons ensuite élaboré ensemble les détails, tant conceptuels que logistiques, les protocoles d’imageries, le parcours de soin, dans cette vision de prise en charge globale du patient myope fort. A la pré-ouverture en septembre 2023, j’ai donc commencé à consulter également à l’Institut Français de Myopie.
L’ambition à moyen terme est premièrement d’améliorer la prise en charge des patients en offrant l’accessibilité aux moyens d’imagerie et à la compétence des spécialistes pour chacune des complications de la myopie et de la myopie forte. La deuxième est de booster la recherche clinique française en myopie forte par la constitution d’une cohorte locale et par la collaboration avec les autres centres et CHU Français, via des études multicentriques et la standardisation de nos pratiques. Et enfin de poursuivre nos échanges avec la communauté internationale.
Un génie apparaît et vous propose de faire 3 vœux. Quels seraient-ils et pourquoi ?
Elise Philippakis. Parfois le train de nos choix personnels et professionnels nous emmène sur un chemin qu’il est difficile d’interrompre. Mais voici les 3 souhaits que je n’ai pas encore enterrés.
- Partir 3,6 ou 12 mois au Japon travailler avec Kyoko Ohno-Matsui (difficile pour le moment avec 2 enfants en bas âge, un mari et un cabinet libéral).
- Refaire des stages d’internes en chirurgie réfractive ou en cornée, pour apprendre les choses que je ne connais pas.
- Faire une année recherche, au labo, dans l’idéal sur des modèles, permettant la recherche sur la biomécanique des yeux myopes.