Microscope, laser, verres… une année d’innovations avec Zeiss
15%. C’est le pourcentage de CA consacré chaque année par Zeiss à la R&D, représentant 1,5Mds d’euros en 2023 et le dépôt de 670 brevets. Une performance qui a suscité notre intérêt et le souhait d’en savoir plus sur les innovations en cours et à venir. Entretien avec Raphaël Amar, Directeur Marketing, ZEISS Meditec France et Directeur Médical, ZEISS Vision Care France.
ZEISS sort un nouveau microscope 3D : ARTEVO 850.
À quel type de chirurgien ophtalmologique s’adresse-t-il ?
On peut comprendre que cela peut protéger les cervicales de nos confrères, mais est-ce que ce microscope a un intérêt technique par rapport à un microscope traditionnel avec par exemple des grossissements plus intéressants ?
Raphaël Amar. Dans les faits, ZEISS lance une nouvelle gamme de microscopes pensés et développés pour la chirurgie ophtalmique, bénéficiant de toute son expertise en matière d’optique et de microscopie opératoire : ARTEVO® 750 / 850.
Pour rappel, ZEISS a lancé son tout premier microscope opératoire OPMI®1 dédié à l’ophtalmologie en 1954, il y a 70 ans. Cette nouvelle gamme vise à répondre au besoin de simplification du workflow chirurgical depuis la consultation pré-opératoire jusqu’au bloc opératoire, et facilite par sa convivialité d’interface la connectivité au bloc en s’intégrant à notre écosystème digital bien connu de nombreux chirurgiens : ZEISS Cataract Workflow, réalité augmentée, « matching » des images HD pré- et per-opératoires, assistance peropératoire d’implantation d’IOL toriques, OCT peropératoire pour les chirurgies cornéennes, vitréo-rétiniennes ou du glaucome.
Nos équipes R&D ont apporté une attention toute particulière aux performances de visualisation, notamment par l’intégration d’une nouvelle source de lumière RGB LED, aussi puissante que le Xenon, qui peut être ajustée à la température de couleur de la lumière souhaitée, de 3000 Kelvin (lumière jaune) à 6000 Kelvin (lumière blanche). Cette nouvelle source de lumière vise à réduire les risques de phototoxicité peropératoires pour le patient, sans compromettre pour autant le confort de visualisation pour le chirurgien. La version ARTEVO® 750 propose les oculaires de visualisation dotés de la qualité des optiques ZEISS, et complétée de nouvelles fonctionnalités numériques et performances optiques.

La version ARTEVO® 850 propose en effet la visualisation digitale 3D, en plus de l’optique des oculaires pour le mode hybride. L’écran de visualisation 3D (55’’) dispose de la dernière technologie HDR (High Dynamic Range) pour un rendu de couleurs et de contrastes de meilleure qualité. La nouvelle fonction « SMART DoF » offre au chirurgien la possibilité d’ajuster la profondeur de champ de l’image jusqu’à son maximum.
Enfin, des filtres digitaux de couleurs personnalisables ont été ajoutés, tel que le filtre bleu pour faciliter la vitrectomie. Le chirurgien peut disposer ainsi dans son champ de vision, de l’ensemble des données opératoires, nécessaires à son confort de visualisation, ainsi qu’à la sécurité et à la précision chirurgicale pour son patient. Cette version 3D s’adresse aussi bien aux chirurgiens du segment antérieur, qu’aux spécialistes du segment postérieur. Les premiers retours d’expérience de chirurgiens hyperspécialisés en chirurgie vitréo-rétinienne, greffe de cornée ou chirurgie du glaucome soulignent « le réalisme des couleurs à l’écran 3D », « la nette amélioration de la profondeur de champ en comparaison à la version antérieure ARTEVO® 800 », « l’amélioration de la performance et de la rapidité de l’OCT peropératoire en comparaison au RESCAN », « l’intérêt des filtres digitaux intégrés, notamment pour la chirurgie vitréo-rétinienne », et une « prise en main plus simple et conviviale ».
La chirurgie 3D, dite « tête haute », a pour objectif de réduire la survenue de troubles musculo-squelettiques chez les chirurgiens, mais contribue également à leur confort de visualisation par une résolution plus accrue des images, en comparaison à des microscopes traditionnels. La proportion des microscopes 3D en ophtalmologie est encore minoritaire en France, mais séduit de plus en plus de chirurgiens. Certains services hospitalo-universitaires ou directions de groupements privés, voient dans cette technologie 3D, un intérêt pour la formation des jeunes chirurgiens, de surcroît, plus sensibles aux technologies numériques de dernières générations. Le retour d’expérience de certains chirurgiens ayant « switché » du microscope « traditionnel » à la microscopie 3D évoquent une courbe d’apprentissage rapide. Enfin, certains auteurs ont souligné l’intérêt de la microscopie 3D pour de rares cas de patients, ne pouvant pas conserver une position allongée sur le dos lors de l’opération.
À l’heure du numérique, du bloc opératoire connecté, de la réalité augmentée, de l’IA au service d’une médecine plus prédictive et personnalisée, la chirurgie 3D en ophtalmologie s’inscrit dans un continuum de technologies qui donne « encore » du relief à une spécialité chirurgicale déjà avant-gardiste.
Le VISUMAX 800 est apparemment une nouvelle évolution dans les lasers de Chirurgie réfractive. En quoi ce VISUMAX pourrait être une révolution?
On peut comprendre qu’il permet de faire l’ablation d’un lenticule dans l’épaisseur de la cornée en limitant la taille de l’incision, donc une récupération plus rapide et une meilleure sécurité pour les patients.
On peut s’attendre à moins d’effet secondaire, en particulier en postopératoire immédiat. Pouvez-vous nous préciser quelle est la différence entre cette version et la version précédente ?
Raphaël Amar. Depuis plus de 30 ans, ZEISS fait référence en matière d’innovations dans le domaine de la chirurgie réfractive. En 2007, ZEISS a repoussé les limites de l’imaginaire, et a bousculé les standards des techniques chirurgicales de l’époque (LASIK & PKR), en permettant la première extraction lenticulaire cornéenne nommée SMILE® (SMall Incision Lenticule Extraction) grâce à sa première génération de Laser femtoseconde VisuMax 500. Le SMILE® en quelques chiffres c’est aujourd’hui, 17 ans de recul (1er SMILE® en 2007), plus de 8 millions de chirurgies SMILE® réalisées dans 80 pays par 2500 chirurgiens, et plus de 800 publications scientifiques en « peer-reviewed ». La revue de la littérature souligne le caractère prédictible, sûre et efficace de la technique SMILE® pour les patients myopes (Sphère -0,50D à -10,00D / Cyl. < -5,00D).
La dernière génération de Laser femtoseconde VISUMAX®800 (2023) est plus rapide, robotisée et connectée. Grâce à un taux de répétition des impulsions plus rapide, équivalent à 2MHz (vs. 500kHz en VisuMax 500), la découpe d’un lenticule SMILE®Pro avec le VISUMAX® 800 est réalisée aujourd’hui en 10 secondes (moy.), et la découpe d’un volet de LASIK en 7 secondes (moy.) contre 25 secondes (moy.) avec la précédente génération VisuMax 500. Le temps de découpe très court SMILE®Pro (10 sec.) contribue à la réduction du risque de lâchage de succion lors de la procédure, ainsi qu’au confort du patient et du chirurgien. Le VISUMAX®800 est également plus compacte et ergonomique que son prédécesseur, améliorant ainsi l’installation du patient avant la procédure, et sa commodité d’installation au sein du bloc opératoire. Deux bras robotisés composent cette nouvelle génération, qui sont déployés selon les étapes de la chirurgie. Le premier bras robotisé est activé pour réaliser la découpe femtoseconde, le second pour disposer d’un microscope ZEISS afin de réaliser la dissection et le retrait du lenticule.
Pour de nombreux chirurgiens utilisateurs, le Laser VISUMAX®800 constitue une alternative « raisonnée, pertinente et moderne » pour la découpe des volets de LASIK en routine de chirurgie réfractive, et n’est pas utilisé uniquement pour réaliser des SMILE®Pro.
Grâce à de nouvelles fonctionnalités robotiques intelligentes intégrées, le centrage et l’alignement de la cyclotorsion sont simplifiés. La fonction « ZEISS CentraLign » assure le centrage contrôlé par ordinateur, basé sur le centre de la pupille et la position du vertex cornéen. La fonction « ZEISS OcuLign » assure le traitement recalculé automatiquement pour compenser les erreurs liées à la cyclotorsion.
Enfin, intégré au ZEISS Corneal Refractive Workflow qui est la dernière application du premier PACS d’imagerie dédié à l’ophtalmologie ZEISS FORUM, le flux de travail en pré-, per- et post-opératoire est facilité pour le chirurgien et son équipe, tant pour la planification du traitement à distance, que pour l’analyse des traitements post-opératoires et l’ajustement personnalisé des nomogrammes de traitement.
Une des toutes prochaines évolutions du VISUMAX®800 sera d’élargir les indications du SMILE®Pro à l’hypermétropie. Cette évolution majeure de la chirurgie lenticulaire constituera une nouvelle « première » pour ZEISS. Ces futures et nouvelles indications devraient être proposées aux patients d’ici la fin de l’année 2024 en Europe.
Au-delà des appareils de chirurgie, la maison ZEISS est très connue pour la qualité de ses verres de lunettes.
Vous vous êtes, comme d’autres, lancés dans les verres de freination pour la myopie avec les MyoCare.
Pouvez-vous en expliquer le principe, les modes de prescription et le suivi pour les très jeunes et jeunes patients ?
Raphaël Amar. En effet, nous avons lancé cette année en France une nouvelle gamme de verres de contrôle myopique ZEISS MyoCare. Cependant, le Groupe ZEISS et plus particulièrement sa division Vision Care, est impliquée depuis près de 20 ans dans le développement de technologies optiques visant à freiner l’évolution de la myopie, car très tôt nous avions anticipé le fait que la myopie évolutive serait un enjeu majeur de santé visuelle, compte tenu des tendances croissantes de prévalence de la myopie dans les populations asiatiques de l’époque. Aujourd’hui certaines villes de Chine comptent plus de 95% de myopes dans leur population, alors que nous avoisinons les 40% en France.
En 2005, nous avions déposé le premier brevet de verre de contrôle myopique en partenariat avec le Brien Holden Vision Institute (BHVI) en Australie, qui fait aujourd’hui autorité sur ce sujet au niveau mondial. Nous avions poursuivi en 2009 avec un second brevet basé sur le principe de défocalisation périphérique et le lancement du verre MyoVision en 2011 en Asie, puis en 2018 avec sa seconde génération et 2021 avec sa 3è génération.
La dernière génération de verres ZEISS utilise une nouvelle géométrie et se base sur le principe du flou périphérique, pour freiner la myopie évolutive chez l’enfant.
ZEISS MyoCare est la première gamme de verres de contrôle myopique adaptée à l’âge de l’enfant.
Cette gamme de verres est fondée sur deux piliers technologiques : en face avant, avec la technologie brevetée C.A.R.E. (Eléments Réfractifs Annulaires Cylindriques, fr) répartie du bord de la zone centrale de correction myopique à l’extrême périphérie, avec un facteur de remplissage de 0,5 sur toute la périphérie du verre. Chaque élément C.A.R.E. a la même puissance de défocalisation selon la géométrie, et permet une défocalisation myopique concurrente simultanée, grâce à la création d’un signal « caustique » formé en avant de la rétine périphérique. L’objectif étant de parvenir à la bonne tolérance de la correction défocalisante dans toutes les directions du regard par l’enfant, et de limiter l’élongation axiale. Ces éléments réfractifs sont quasiment imperceptibles à l’œil nu, et sont au nombre de 30 à 31 en fonction de la géométrie pour un verre de 70 mm de diamètre. En face arrière, la technologie ClearFocus permet une optimisation du surfaçage de la face arrière, grâce au procédé de fabrication Free-Form limitant ainsi les aberrations optiques périphériques du verre, et l’emmétropisation sur la quasi-totalité de la surface du verre. Cette technologie ClearFocus vise à accroître la performance de défocalisation réalisée en face avant, pour une efficacité du traitement maximal.
Cette gamme de verres est composée de deux géométries, ZEISS MyoCare et ZEISS MyoCare S (S pour Soft). La géométrie ZEISS MyoCare propose une zone de vision centrale de 7 mm, et une puissance additionnelle moyenne défocalisante périphérique de +4,6D. La géométrie ZEISS MyoCare S propose une zone de vision centrale de 9 mm, et une puissance additionnelle moyenne défocalisante périphérique de +3,8D.
Pourquoi proposer deux géométries différentes ?
Raphaël Amar. Tout simplement car les besoins de défocalisation ne sont pas identiques aux différents âges de développement de l’enfant. En effet, certains auteurs rapportent que l’évolution myopique chez l’enfant est plus importante à 6 ans qu’à partir de 11 ans : -1,06D en moyenne à 6 ans contre -0,59D à 11 ans (Sankaridurg PR, Holden BA. Eye (Lond). 2014 Feb;28(2):134-41).
Par ailleurs, une étude randomisée, en double aveugle, réalisée à l’université de Médecine de Wenzhou en Chine, sur 240 enfants de 6 à 13 ans, a démontré que les enfants âgés de 7 à 9 ans équipés de verres ZEISS MyoCare avaient une courbe de croissance moyenne 63% plus proche de la courbe normale physiologique emmétrope (EPR : Emmetropic Progression Ratio) ; et que les enfants âgés de 10 à 12 ans équipés de verres ZEISS MyoCare S avaient une courbe de croissance moyenne 86% plus proche de la courbe normale physiologique emmétrope (EPR – résultats à 12 mois).
Groupe A : enfants équipés en verres ZEISS MyoCare, Groupe B : enfants équipés en verres ZEISS MyoCare S, Groupe Contrôle : verres myopiques standards.
Ces premiers résultats ont permis de définir des critères d’indication de ces deux géométries.
La géométrie ZEISS MyoCare, proposant une défocalisation périphérique moyenne de +4,6D, est indiquée chez les enfants âgés de moins de 10 ans.
La géométrie ZEISS MyoCare S, proposant une défocalisation périphérique moyenne de +3,8D, est indiquée chez les enfants âgés de plus de 10 ans.
En outre, d’autres résultats ont été publiés dans le cadre du congrès de l’ARVO 2024 à Seattle en Mai. Ces publications Posters rapportaient les résultats de deux études multicentriques randomisées, l’une menée en Chine sur 12 mois (Université de Tianjin, 240 enfants, âgés de 6 à 13 ans, 3 sites), l’autre menée en Espagne et au Portugal sur 6 mois (304 enfants, âgés de 6 à 13 ans, 6 sites). La première étude menée en Chine, concluait à un EPR de 70% pour ZEISS MyoCare, et de 68% pour ZEISS MyoCare S. La seconde menée en Europe sur des yeux caucasiens, concluait une efficacité relative de la solution ZEISS MyoCare de 63% pour la valeur de freination de l’équivalent sphérique, et de 77% pour la valeur de freination de l’élongation axiale.
Plusieurs équipes universitaires mènent en parallèle plusieurs études dans le monde. Nous attendons la publication prochaine « peer-reviewed » des résultats de l’étude multicentrique menée en Chine, mais les premiers résultats publiés à l’ARVO 2024 sont déjà prometteurs. »
Avez-vous d’autres nouveautés 2024 ?
Raphaël Amar. Dans les nouveautés 2024, nous pouvons citer en effet la sortie de notre Laser ZEISS VISULAS combi, idéal pour une grande variété d’applications. Cette solution est la première station de travail de laser thérapeutique digitalisée, entièrement intégrée, regroupant sur une seule plateforme avec un tableau de commande unique, la technologie SLT, la photodisruption YAG et la photocoagulation 532nm multipoints.
La lampe à fente laser ZEISS, commune à toutes les applications, permet de gagner du temps en évitant de procéder à des changements de réglages opérateur et/ou des déplacements de patients chronophages.
Nous avons également élargi cette année notre gamme d’implants intra-oculaires hydrophobes, avec le lancement de notre ZEISS AT ELANA® 841P basé sur la conception optique de la LIO (lentille Intra Oculaire) trifocale ZEISS AT LISA tri, à savoir une LIO cliniquement éprouvée mentionnée dans plus de 170 publications évaluées par des pairs. Sa conception assure tant des performances cliniques significatives qu’une importante satisfaction des patients. Elle offre une distribution de la lumière dominante à distance avec des plans de mise au point dans la zone proche, intermédiaire et lointaine, ce qui la rend indépendante de la pupille et entièrement trifocale dans des conditions photopiques et mésopiques. Grâce à sa structure diffractive améliorée, ZEISS AT ELANA 841P transmet plus efficacement la lumière et attribue également plus de lumière à la vision de près. Ces caractéristiques optimisent une meilleure vision de près et intermédiaire sans pour autant que l’acuité visuelle de loin ne soit compromise.
Cet implant est conçu sur une plateforme hydrophobe à boucle C et un système entièrement préchargé.

Raphaël Amar a exercé la profession d’orthoptiste en libéral pendant plus de 16 ans, au sein de l’Hôpital Américain de Paris et de la Clinique de la Vision. Entre 2000 et 2016, il fut auteur et co-auteur de plus de 200 publications et interventions dans le domaine de l’exploration du segment antérieur et de la chirurgie réfractive. Il a également contribué à l’écriture de dix ouvrages dédiés à l’ophtalmologie dont le Rapport de la SFO en 2012 sur la Presbytie, et l’ouvrage « Réfractions » en 2022 (Editions Elsevier). Ancien Coordonnateur des AOP (2010-2016) et Ancien Enseignant Universitaire à l’Université Paris Sorbonne.
Diplômé d’un DIU Laser & Médecine (Univ. Bordeaux I & II – 2010), d’un Mastère spécialisé en Stratégie et Management des Industries de Santé (ESSEC – 2015) et d’un DU Intelligence Artificielle appliquée en Santé (Univ. Paris Cité – 2021), il a rejoint la société ZEISS Vision Care France en 2016 pour créer le Pôle Santé Visuelle, et a pris la Direction Marketing de la Division ZEISS Meditec France en 2021.