Le congrès POP en résumé(s)
La 6ᵉ édition du congrès POP (Pratiques Ophtalmologiques Phocéennes) s’est tenue les 19 et 20 septembre 2025 à Marseille. Les reporters de l’ARMD en ont restitué les principaux échanges présentées lors des sessions DMLA, Glaucome, symposium SANTEN, HORUS et BAUSCH+LOMB. Leurs synthèses offrent un aperçu des débats et des données partagées par les 29 experts intervenants.
Résumé – Session DMLA
1. Analyse de la choroïde – D. Sayag
La choroïde joue un rôle majeur : nutrition des photorécepteurs, régulation thermique, maintien de la PIO, absorption de la lumière parasite, immunité locale.
Elle s’amincit avec l’âge et la myopie.
Son altération est impliquée dans plusieurs pathologies : DMLA, pachychoroidopathies, choroïdites, tumeurs.
2. DMLA exsudative : controverse sur la 1ʳᵉ intention
Pourquoi les anti-VEGF 2ᵉ génération ? – C. Sebah
Plus grande efficacité et durabilité → meilleure maîtrise de la maladie, espacement possible des injections.
Indispensable d’individualiser selon le patient et de sensibiliser aux signes d’alerte.
Pourquoi rester aux 1ʳᵉ génération ? – V. Capuano, S. Guenoun
Les anti-VEGF actuels sont efficaces, déjà responsables d’une baisse de la cécité légale.
Espacement des injections pas universel, certains patients restent dépendants de schémas rapprochés.
Nouvelles molécules = risque inflammatoire + nécessité d’un accès rapide aux soins, pas toujours possible pour patients éloignés.
Conclusion : réserver les anti-VEGF de 2ᵉ génération aux échecs après plusieurs années de traitement.
3. DMLA atrophique : perspectives thérapeutiques – R. Garavito Blanco
Complément : 2 molécules approuvées aux USA, mais limites : pas de bénéfice AV démontré, risques d’inflammation / conversion néovasculaire, coût élevé.
Autres approches en développement :
Gildeuretinol (ALK-001) : bénéfice sur la vision en basse luminosité (essai SAGA).
Elamipretide : peptide anti-stress oxydatif (Phase 3 ReNEW).
Thérapies cellulaires : OpRegen, CPCB-RPE1, Palucorcel.
Thérapies géniques : AAVCAGsCD59, GT005, Iptacoplan.
Photobiomodulation : piste complémentaire.
Take home message
La choroïde est une structure centrale en pathologie maculaire.
Les anti-VEGF 2ᵉ génération (Faricimab et Aflibercept 8 mg) apportent de la flexibilité
La DMLA atrophique reste sans solution validée en Europe, mais les recherches sont foisonnantes : complément, cellules, gènes, photobiomodulation.
Résumé – Session Glaucome
1. Glaucome qui progresse malgré une PIO contrôlée – J-P. Renard
Vérifier la réalité de la progression (analyse OCT/champ visuel).
Contrôler la validité des mesures de PIO (Goldmann, pachymétrie, fluctuations : ICARE HOME 2® = outil clé).
Explorer les facteurs associés :
- Facteur angulaire (risque d’évolution vers angle fermé).
- Autres pathologies oculaires (cataracte, myopie, DMLA).
- Facteur patient (observance, compréhension de la maladie).
- Facteurs vasculaires (pression de perfusion basse), apnée du sommeil (non confirmé).
2. Glaucome exfoliatif : un glaucome à haut risque – M. Minot
Maladie systémique avec dépôts fibrillaires anormaux dans l’œil.
Représente ≈6 % des glaucomes à angle ouvert en France.
Forme plus agressive, moins sensible aux traitements → souvent bithérapie d’emblée.
3. Le champ visuel reste indispensable – J. Hugo
Complémentaire de l’OCT : reflète la vision fonctionnelle du patient.
Utile surtout dans les stades avancés (OCT au plancher).
Nouvel algorithme 24-2C Sita Faster privilégié : rapide, inclut des points centraux supplémentaires, meilleure corrélation structure-fonction.
4. Chirurgie du glaucome : progrès ou faux espoir ? – G. Pitault
Trabéculectomie = technique de référence, efficace mais complications fréquentes.
MIGS (ISENT®, HYDRUS®, trabéculotomie) :
- Moins invasifs, mais efficacité modérée.
- Ne pas utiliser dans les glaucomes trop avancés.
MIBS (PRESERFLO®) :
- Plus efficace que MIGS, mais risque d’extériorisation/fibrose, needling fréquent.
- Réservés aux patients non opérés, peu à risque de fibrose.
5. Les traitements du futur – X. Nicol (Institut de la Vision)
Trois axes de recherche :
- Régénération axonale si cellules ganglionnaires encore vivantes.
- Thérapie cellulaire si perte complète des cellules ganglionnaires.
- Neuroprothèses corticales : stimulation visuelle par sonogénétique.
Take home message
Devant une progression malgré une PIO « normale », il faut reconsidérer les mesures, l’observance et les facteurs associés.
Le glaucome exfoliatif est particulièrement agressif et difficile à contrôler.
Le champ visuel reste un examen pivot dans le suivi.
Les MIGS/MIBS apportent des solutions intermédiaires mais ne remplacent pas la trabéculectomie.
La recherche s’oriente vers des stratégies de restauration visuelle (cellules, régénération, neuroprothèses).
Résumé – Symposium SANTEN > Glaucome : une voie oubliée remise à l’honneur
Inhibiteurs des Rho-kinases : de la promesse à la réalité – G. Pitault
Les inhibiteurs de Rho-kinase (ROCKi) agissent directement sur le trabéculum, mécanisme distinct des autres classes.
Molécules disponibles : ripasudil, netarsudil.
Netarsudil : efficacité comparable au latanoprost → proposé en association (ROCLANDA®).
Étude Mercury 3 : ROCLANDA® ≈ GANFORT® en efficacité, mais davantage d’effets indésirables.
Avantages : pas de contre-indication systémique (contrairement aux bêtabloquants).
Perspectives supplémentaires :
- Neuroprotection des cellules ganglionnaires.
- Amélioration de la perfusion du nerf optique.
- Réduction de la cicatrisation conjonctivale post-chirurgie.
Discussion : l’usage de ROCLANDA® doit rester limité à des patients sélectionnés, compte tenu des effets indésirables et de la présence de conservateurs.
Résumé – Symposium HORUS > Surface oculaire fragilisée : approches thérapeutiques innovantes
1. Le stress oxydant, nouvelle cible thérapeutique – P-J. Pisella
Nouvelle définition (TFOS DEWS III, mai 2025) : la sécheresse oculaire est une maladie multifactorielle symptomatique liée à une perte d’homéostasie du film lacrymal et/ou de la surface oculaire, nécessitant la présence de signes ET symptômes.
Le stress oxydatif et les espèces réactives de l’oxygène (ROS) jouent un rôle central : activation de l’inflammasome, atteinte de toutes les structures (couche lipidique, cornée, épithélium, cellules caliciformes).
Acide alpha-lipoïque (ALA) : antioxydant prometteur, évalué dans deux études cliniques montrant une amélioration de la surface oculaire et des biomarqueurs inflammatoires lorsqu’il est associé à l’HPMC ou à l’acide hyaluronique haut poids moléculaire.
2. Membranes amniotiques : le « couteau suisse » de la surface oculaire – L. Hoffart
La membrane amniotique lyophilisée possède des propriétés anti-inflammatoires, cicatrisantes et anti-infectieuses.
Applications variées : cicatrisation épithéliale, défects stromaux, formes sévères de sécheresse.
Évolution attendue : utilisation en consultation, en dehors du bloc opératoire, comme un véritable pansement biologique.
Résumé – Symposium BAUSCH+LOMB > Surface oculaire : au-delà des larmes – comprendre, prévenir et raconter la sécheresse oculaire
1. Surface oculaire et chirurgie de la cataracte – P-J. Pisella
30 à 50 % des patients opérés de cataracte sont insatisfaits malgré une AV de 10/10 (Unhappy 20/20).
La chirurgie perturbe le film lacrymal et aggrave le dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM).
Facteurs de risque : âge, maladies systémiques, médicaments, écrans.
Prise en charge :
- Pré-opératoire : dépistage et stabilisation de la surface oculaire.
- Post-opératoire : traitement adapté, dont agents anti-inflammatoires.
Étude US 2010 : la ciclosporine 0,05 % > agents mouillants pour réduire sécheresse et améliorer la vision des contrastes après implant multifocal.
2. Glandes de Meibomius : au cœur de la sécheresse oculaire – B. Mortemousque
La sécheresse oculaire touche ≈10 % des adultes, en progression vers 14 %.
Cause principale : dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) → couche lipidique altérée, favorisant l’évaporation et l’instabilité du film.
Traitement du DGM = hygiène palpébrale, antibiotiques, désobstruction, anti-inflammatoires.
Présentation de NEREYA®, larme artificielle à composition mixte proche du film naturel.
Étude CBL-2017-01 (84 patients) : efficacité supérieure sur signes et symptômes comparée à VISMED®.
Take home message
La sécheresse oculaire est une cause majeure d’insatisfaction après chirurgie de la cataracte → dépistage et traitement indispensables en pré et post-opératoire.
Le DGM est la cause principale de sécheresse → sa prise en charge est essentielle. De nouvelles formulations enrichissent l’arsenal thérapeutique, avec des résultats cliniques encourageants.