Physiopathologie de la photophobie
Après les feux d’artifices de ces fêtes de fin d’année, mettons en lumière la photophobie. C’est une perception douloureuse de la lumière, à différencier de l’éblouissement. La photophobie touche tous les âges tous les sexes. Lorsqu’ils viennent consulter, ils repartent souvent comme ils sont rentrés, sans traitement et sans diagnostic, généralement avec une recommandation « Portez des lunettes de soleil ». Merci Einstein !
Par le Dr Isabelle Aknin
Problématique : photophobie, une physiopathologie mal connue
La physiopathologie de la photophobie est mal connue. Il y a deux voies impliquées dans la sensibilité à la lumière.
- Un sous-type de cellules ganglionnaires contenant de la mélanopsine (ipRGCs). Les cellules ganglionnaires rétiniennes intrinsèquement photosensibles (ipRGCs en anglais) sont impliquées dans des fonctions non-visuelles, telles que le rythme circadien et le réflexe pupillaire à la lumière. Ces cellules ne servent pas à la perception des formes, mais juste à la perception de la quantité de lumière. Elles régulent le cycle circadien et le réflexe pupillaire à la lumière. Lorsque ses cellules sont en suractivité, on peut imaginer que cela peut mener à une photophobie.
- La voie trigémino-vasculaire est un réseau de neurones provenant (ou allant au noyau du trijumeau : ce sont des nerfs sensitifs) qui
- Intervient dans la vascularisation cérébrale, et les sinus veineux
- Innerve la dure-mère, avec des liens avec les noyaux nociceptifs du tronc cérébral
Il participe ainsi à la transmission de la douleur et à la modulation du tonus vasculaire, comme par exemple, dans les cas de migraine.
Les causes de la photophobie peuvent être classées en trois grands groupes :
- Neurologique : migraines, syndrome méningé (un peu différent car c’est une photophobie récente, et une urgence)
- Oculaire : uvéites, dysfonctions rétiniennes …
- Psychologique.
Ah non, il paraît qu’il y a aussi > 4. Iatrogène
N’avez-vous jamais pensé que quelque chose « ne va pas » dans la prise en charge de ces patients ? Moi si. C’est un défi à relever à chaque consultation.
Étude et résultats
Est paru en novembre un super article : « The Unmet Challenge of Diagnosing and Treating Photophobia » *. Étude rétrospective sur 147 cas de patients présentant une photophobie ayant consulté au John A. Moran Eye Center (Utah). Entre 2001 et 2009.
- Âge moyen : 37 ans (de 6 mois à 94 ans)
- En plus de la photophobie, ils présentaient : des maux de tête (63,9 %), une vision floue (23,1 %) et des yeux secs (12,2 %).
- Le diagnostic le plus fréquent était la migraine (53,7 %) et la sécheresse oculaire (36,1 %). Suivis de loin par les traumatismes oculaires (8,2 %), des paralysies supranucléaire progressives (6,8 %) et de lésions cérébrales traumatiques (4,1 %)
- Et surtout : 25,9 % des patients n’ont pas eu de diagnostic… 1/4 des patients ! Dont la majorité sont des enfants : 69,4 % sans diagnostic.
- Pas d’uvéites dans leur série : Biais de recrutement des patients ou biais de sélection des ophtalmologistes ?
Conclusion
Arrêtez par pitié avec les yeux clairs. Cherchez !
Pour aller plus loin
L’arbre décisionnel proposé par cette équipe
Arbre décisionnel proposé dans l’article, créé à partir des données de l’article de Digre, Kathleen B. et Brennan, K.C.: Shedding Light on Photophobia. Journal of Neuro-Ophthalmology 32(1):p 68-81, March 2012.

Table synthétique
TABLE 1. – ensemble des maladies associées à uns photophobie, d’après l’article de Digre, Kathleen B.; Brennan, K.C. : Shedding Light on Photophobia. Journal of Neuro-Ophthalmology 32(1):p 68-81, March 2012. | DOI: 10.1097/WNO.0b013e3182474548
Pathologies oculaires | Dissection carotidienne |
Segment antérieur | AVC |
Iritis/uvéites | Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (RCVS) |
Conjonctivites | Maladies Thalamique (tumeur, ischémie, hémorragie) |
Neuropathies cornéennes | HaNDL syndrome (transient headache and neurological deficits with cerebrospinal fluid lymphocytosis) |
Dystrophie cornéennes | Maladies psychiatriques |
Blépharites | Agoraphobie |
Atrophie bilatérale de l’iris | Anxieté |
Syndrome sec | Accès de Panique |
Ptérygion | Dépression |
Kératite interstitielle (Syndrome de Cogan) | céphalées « gueule de bois » |
Kératite | Traitements |
Segment postérieur | Barbituriques |
Inflammation vitréenne | Benzodiazépines |
Dysfonction des photorécepteurs/dystrophies rétiniennes (dont albinisme, achromatopsie, dystrophie des cônes, rétinite pigmentaire) | Chloroquine |
Syndrome d’Alström | Methylphenidate (Ritaline ®..) |
Syndrome de Sjogren–Larsson | Haldol |
Ophtalmie Sympathique | Lithium |
Nerf optique | Linezolid (oxazolidinone) |
Inflammation du nerf optique | Zolédronate (biphodphonate) |
Œdème papillaire (syndrome de pseudo-tumeur cérébrale) | Sildenafil |
Chiasma | Narcotiques (héroïne, opioïdes) |
Tumeur pituitaire | Autres |
Atrophie pituitaire | Neurasthenie (fatigue chronique) |
Inflammation pituitaire | Fibromyalgie |
Lobe occipital | Rougeole |
Hyper-excitabilité | Rage |
Extra-oculaire | Maladie de Lyme |
Neurologie | Syndrome du côlon irritable |
Migraine | Syndrome IFAP (ichthyosis follicularis with alopecia and photophobia) |
Blépharospasme bénin essentiel | PPK (psoriasiform lesions and palmoplantar keratoderma) |
Paralysie progressive supra-nucléaire | Syndrome d’hyper-Sérotonine |
Traumatisme cérébral | « Complex regional pain syndrome » |
Irritation méningée (méningite, hémorragie sous-arachnoïdienne) | Trisomie 18 |
Hypertension ou hypotension Intracrânienne | Déficit en Zinc |