« Je ne vois plus rien mais je vais conduire »
Par le Dr Isabelle Aknin, ophtalmologiste, Présidente de l’ARMD
👓 “Je ne vois plus rien…Mais je vais conduire.”
Non, ce n’est pas une blague.
C’est une histoire vraie. Et une journée banale en ophtalmologie.
Monsieur X, 62 ans.
Myopie forte. Un œil droit à 4/10 (néovaisseaux). On gère.
Ce matin-là, il vient pour son contrôle.
Surprise ! L’autre œil – le bon – ne voit plus que la lumière.
💥 Diagnostic : décollement de rétine total
🎯 Opération indispensable
🛻 Tout est prêt. Taxi sanitaire, chirurgien, puis clinique.
Mais là, il me dit :
— “Merci docteur. J’y vais en voiture.”
— “Pardon ?”
Il voit super mal
Mais il veut conduire. Sérieusement?
💁♀️ Sa femme est là. Elle peut conduire.
Mais il dit : « Elle touche pas à MA voiture. »
(Team-Macho 1963)
On s’engueule. Fort.
Lui : borné.
Moi : furieuse.
Sa femme: désemparée.
La secrétaire : sidérée.
Lui reste sur sa position : il « SAIT » conduire
Alors mes secrétaires appellent… la police.
👮♂️ Ils les raccompagnent chez eux
Et il ne s’est pas fait opérer.
(Et son œil ? Et son permis ? On verra…)
Résultat ?
❌ Œil probablement perdu
❌ Permis probablement perdu aussi (vision trop basse).
✅ Et tout ça aurait pu être évité… en montant dans un taxi.
📣 Messages sérieux derrière l’histoire
👉 Les fortes myopies peuvent entraîner des complications graves :
• Néovaisseaux
• Décollements de rétine
• Perte irréversible de vision
Faites vous suivre régulièrement
⛔ Ne prenez pas le volant quand vous ne voyez plus.
✅ Faites confiance aux soignants.
🚘 Et laissez votre femme conduire.
(Myope ou pas.)
Ouvrons le débat
Faut-il rester spectateur quand un patient met les autres en danger ?
Le secret médical est un pilier de notre pratique. Mais face à un patient malvoyant, qui insiste pour conduire malgré les risques évidents, que faire ?
Idem, si un grutier a une baisse importante d’acuité visuelle, ou des problèmes de vision binoculaire, peut-on prévenir la médecine du travail ? Etc.
La loi est claire : seul le patient – ou, dans certains cas, un proche – peut signaler une inaptitude à la conduite. Le médecin n’a pas ce pouvoir. Mais lorsqu’un danger imminent menace la vie d’autrui, que faire ?
Est-ce une infraction ou un acte de responsabilité ?
L’article 122-7 du Code pénal permet, dans des circonstances exceptionnelles, de déroger à une règle pour prévenir un dommage plus grave. Une porte étroite, mais ouverte.
Ce dilemme, entre respect de la loi et devoir moral de protéger, soulève une question de fond : Sommes-nous suffisamment encadrés pour faire face à ce type de situation ?
Vos retours et vos expériences sont les bienvenus. Ce débat mérite d’être posé. Ecrivez-vous à contact@armd-france.org ou via LinkedIn linkedin.com/in/dr-i-aknin-armd
Pour en savoir plus sur la basse vision et la conduite
🏖️ pour la route des vacances, le Dr Xavier Zanlonghi apporte des précisions sur l’aptitude à la conduite (moto et voiture catégorie 1) dans un article au titre – presque – provocateur « Conduite automobile et basse vision« .
Pour consulter l’article ou voir le webinaire, c’est par ICI.