3 Diagnotics d’uvéite à ne pas rater
Le professeur Le Hoang a été chargé de nous présenter parmi les uvéites, les 3 diagnostics à connaitre et reconnaitre. Voici sa sélection :
- ARN (Acute Retinal Necrosis)
- PVRL (Primary Vitreo-Retinal Lymphoma) ou PIOL (Primary IntraOcular Lymphoma)
- Toxoplasmose
1 ARN : mauvais pronostic : destruction de la rétine en quelques jours.
Les éléments de diagnostic :
- Des dépôts rétro-cornéens
- Une nécrose rétinienne extensive : rétine jaunâtre, parfois bordée de plages de sang, avec des vaisseaux déshabités, qui évolue vers des plages blanchâtres confluentes
- Un Tyndall vitréen
Les principes de traitement :
- Un traitement antiviral systémique intra-veineux en urgence par aciclovir ou foscarvir, qui peut être associé à des intra-vitréennes de ganciclovir.
- L’usage des stéroïdes est discuté : seulement après traitement antiviral. Si on l’utilise : prednisone orale : 0,5mg/kg/J plus rarement, methylprednisolone intraveineuse.
- Jamais d’immunosuppresseur
- Traitement anticoagulant : aspirine, héparine
- Le laser : inefficace sur la diffusion de la rétinite, mais peut prévenir les complications de la nécrose; une photo-coagulation en barrage confluent peut être effectuée en arrière des zones nécrotiques.
- Chirurgie : en cas de décollement de rétine: vitrectomie, endolaser et tamponnement par huile de silicone
La surveillance est rigoureuse :
- Examen clinique: évaluer l’activité de la rétinite virale, et l’œdème rétinien, surveiller l’inflammation vitréenne, et les tractions.
- Laser Flare Photométrie pour quantification objective et sensible de l’inflammation en chambre antérieure
- En cas de résistance au traitement : étude des résistances virales sur les prélèvements de fluides oculaires: PCA et/ou vitrectomie : PCR et isolement des souches virales pour « antivirogramme ».
Le traitement d’entretien :
- Aciclovir oral : 1g /J
- Valaciclovir oral : 500mg x 2/J
- Famcivlovir : 500mg x 2/J
- Valganciclovir : 900mg/J +++
- Durée du traitement d’entretien indéterminé
L’ARN est une rétinite par prolifération de virus herpétique
(Herpès simplex virus type 1 ou 2 ou Zoster virus ou cytomegalovirus)
-
Zona ophtalmique :
S’assurer systématiquement de l’absence de rétinite périphérique
Un traitement systématique par Valaciclovir (valacyclovir pour les anglo-saxons) : 3g/J commencé dans les 48 premières heures qui suivent l’éruption cutanée, et durant 8J minimum
Traitement en intraveineux chez les patients immunodéprimés.
-
En pratique,
au cours des ARN une PCR est pratiquée sur une ponction de CA ou une vitrectomie diagnostic : déterminer le type de virus en cause (HSV1, HSV2, VZV, CMV) est essentiel au traitement :
- S’il s’agit du HSV (herpès simplex) cela répondra bien au valaciclovir.
- Le VZV (virus varicelle/zona) induit des pathologies plus sévères, et est plus résistant au valaciclovir
- Le CMV (cytomégalovirus) est moins sensible au valaciclovir, et nécessite d’autres molécules comme le ganciclovir ou bien le Foscarnet.
ARN : On traite un certain temps, empirique, variant d’un centre à l’autre, en fonction de la sévérité de la lésion. C’est une urgence.
à La Pitié le protocole courant est d’injecter de l’Aciclovir en intraveineux : 10mg/kg x 3/jour pendant 10 jours, suivi par valaciclovir 1g/J x 3/J pendant 6 semaines.
En fonction du virus, on conseille :
Un temps d’induction du traitement :
. aciclovir i.v. (10 mg/kg/8h)
. ganciclovir i.v. (5 mg/kg/12h) ++
. foscarnet i.v. (90 mg/kg/12h) +++
Un traitement de maintenance
. Aciclovir oral (4g/j)
. Valaciclovir oral (3g/j) +++
. Ganciclovir oral (3g/j)
. Valganciclovir oral (900 mg/j) ++
Des injections intra-vitréennes :
optionnelles, si la rétinite est sévère ou mal contrôlée, si la papille ou la macula sont menacées, en cas de résistance à l’aciclovir, chez un patient monophtalme ou porteur du HIV :
. ganciclovir : 200-2000 µg x 2 par semaine +++
. foscarnet : 1200 µg x 2 par semaine
Dans les cas sévères, on peut injecter les deux molécules en intra-vitréen
2 « masquerade syndrome » :
5% des patients adressés aux centres d’uvéite dont 48% sont malins et 52% bénins
Le lymphome intraoculaire primaire (PIOL : primary intraocular lymphoma) ou le lymphome vitréo-rétinien primaire (PVRL : Primary Vitreo-Retinal Lymphoma)
Se manifestent sous forme de :
Pan-uvéite, avec infiltration vitréenne essentiellement dans le vitré périphérique de façon circulaire, « toiles d’araignée » vitréenne, infiltrations rétiniennes et sous rétiniennes jaunâtres, et altérations de l’épithélium pigmentaire. Masse hyper-réflective à l’échographie.
-
Suspicion clinique:
- Sujets âgés > 60 ans (cas de patients jeunes 30 ans)
- Yeux calmes, blancs, indolores, Myodesopsies+++, Hyalite+++
- Pas de synéchies IC (95%)
- Infiltrats rétiniens profonds, labiles,
- Vasculite, OMC, pseudo « rétino-choroïdite »
- Angiographie fluorescéinique (Léopard)
- Cortico-dépendants à fortes doses (>30 mg/j prednisone)
-
confirmation diagnostic:
- PCA : IL-10 > 50 pg/ml, rapport IL-10/IL-6 > 1 (suivi de l’efficacité du traitement)
- Vitrectomie diagnostique +++
- IL-10 élevée, Cytologie +++
- Biologie moléculaire (réarrangement des gènes codant pour la portion variables des chaines lourdes des Ig, translocation 14-18 avec activation du gène bcl-2 inhibant l’apoptose)
- Biopsie cérébrale :
- Atteinte cérébrale dans 65% des cas, avec
- une atteinte oculaire secondaire (moyenne du retard : 54 mois) dans 25% des cas
- une atteinte concomitante dans 21% des cas
- une atteinte oculaire primaire (délai d’apparition de l’atteinte cérébrale de 20 mois en moyenne) dans 55% des cas.
- Hyper-signal en T2 à l’IRM (mieux visible sous gadolinium)
- Atteinte cérébrale dans 65% des cas, avec
-
Dg différentiel:
- Association lymphome et HIV
- Métastase de lymphome non oculaire
- Autre cancer hématologique
- Métastase d’autres cancers
-
Traitement:
- Mauvais pronostic : médiane survie 24 – 52 mois
- Chimiothérapie (MTX, Rituximab …)
- Radiothérapie en dernière intention (toxicité)
- Traitement local: IVT de MTX (2/sem.), Rituximab
- Greffe autologue de moelle
3 Toxoplasmose :
Le tableau classique est bien connu, nous nous intéressons ici aux Tableaux atypiques :
- Rétino-choroïdite bilatérale
- Foyers actifs multiples, unilatéraux
- Hémorragies rétiniennes
- Pas de lésions cicatricielles
- Rétinite nécrosante ou pseudo-serpigineuses (aggravation en cas de patients sous corticothérapie ou immunosuppresseurs)
- Dans tous ces cas, faire une ponction de chambre antérieure et/ou une vitrectomie diagnostic
Diagnostic sur PCA: le quotient Witmer-Goldmann-Desmonts AH/S
IgG spécifiques de l’humeur aqueuse/IgG totaux : IgG spécifiques sériques/IgG totaux >3 : soit 3 fois plus d’IgG spécifiques dans l’humeur aqueuse que dans le sérum. Sensibilité : 0% spécificité > 95%
Le quotient Witmer-Goldmann-Desmonts est très utile
- En cas de patients immunocompétents
- De petites lésions
- De pathologie évoluant depuis plus de 2 semaines
La PCR en cas de patients immunodéprimés, ou de rétino-choroïdite extensive.
Traitement de référence:
- Pyriméthamine (Malocide®) 100 mg le 1er j puis 50 mg/j
- Effet secondaire par action anti-folinique : aplasie médullaire, t. digestifs, neurologiques, cutanéomuqueux.
- Sulfadiazine (Adiazine®) 4 à 6 g/j
- avec une diurèse abondante
- à éviter en cas de lithiase rénale
- éviter le Fansidar®
- effet secondaire : allergie cutanée (Syndrome de Lyell), hématologique
- NB : alternative actuelle à l’Adiazine les macrolides :
- azythromycine ZITHROMAX® 500 mg J1 puis 250 mg
- clarythromycine ZECLAR ® 500mg/j
- clindamycine DALACINE® 4g/j
- Acide folinique (Lederfoline® 5 mg/j)
- pour 6 semaines en moyenne
- avec une surveillance NFS hebdomadaire
- Association à la corticothérapie après au moins 48h de traitement spécifique, en particulier si :
- Localisation para-papillaire ou para-maculaire
- Complication vasculaire
- Inflammation importante
- Complications à type de membrane épi-rétinienne, de DR
Traitement préventif en cas de foyer récidivant, avec menace maculaire :
trimetoprime sulfamethoxazole (Bactrim FORT ®) 1cp tous les 3J pendant 20 mois : réduit de plus de 50 % le taux de récidives (6.6% vs 23.8%) selon une étude de 2002 (Silveira C AJO 2002)
selon une publication récente (Felix JP et al, AJO 2014) : Bactrim FORT ® 1cp tous les 2J pendant 12 mois : 0% récidive sur 12 mois vs 12%
Pendant la Grossesse
Nous pouvons être amenés à mettre en place un traitement en cas de récidive de chorio-rétinite toxoplasmique, et de menace visuelle. Ce traitement ne pourra être instauré qu’en collaboration avec l’obstétricien, chez une patiente avertie ayant donné un consentement éclairé
- Malocide®, clindamycine et macrolides contre-indiqués pendant le premier trimestre
- Malocide ® n’est possible qu’à partir de la 20° semaine de grossesse
- Adiazine ® autorisée pendant toute la grossesse bien qu’il existe un risque d’hémolyse néonatale avec la sulfadiazine donnée en fin de grossesse.
- L’afssaps conseil d’éviter par prudence l’utilisation de la Dalacine® pendant toute la grossesse
- Clarythromycine (Zeclar®) contre-indiquée pendant toute la grossesse
- Azithromycine (Zithromax®) autorisé après le 1er trimestre ; mieux au troisième trimestre de grossesse.
- Alternative au traitement systémique (en particulier pendant le 1° trimestre)
- Clindamycine en sous conjonctival ou en intra vitréen (Foster CS Retina 2007), mais réaction allergique possible…
Chorio-rétinite toxoplasmique chez l’enfant
- Adiazine® 500mg : enfant 150mg/kg/j
- Macrolides et apparentés :
- Dalacine ® clindamycine enfant 15mg/kg/j
- Zeclar® clarithromycine enfant 15mg/kg/j
- Zithromax® azithromycine enfant 20mg/kg/j
- Association Adiazine+Macrolides
- Attention : le Malocide® 50mg : classiquement réservé Adulte, en dehors du traitement conventionnel de l’infection du nourrisson par contamination foeto-maternelle par cures mensuelles alternées avec la Rovamycine